Rapport sur le bien-fondé de la Résidence alternée (par B.RASCHETTI de JPPn)

Rapport
Bien-fondé de la résidence alternée pour les enfants dont les
parents sont séparés

Au nom des associations de défense des droits des enfants et de l’égalité parentale.
Par M. Bruno RASCHETTI

Défenseur du Droit des Enfants
15 décembre 2005
Edition 1.0
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SOMMAIRE
1. INTRODUCTION.................................................................................................................................................. 6
2. OBJECTIF DE L’ETUDE...................................................................................................................................... 7
3. DONNEES CHIFFREES ...................................................................................................................................... 8
3.1 Avant la loi du 4 mars 2002 ........................................................................................................................... 8
3.2 Après la loi du 4 mars 2002 - Etudes et Statistiques Justice n° 23 ............................................................... 8
4. LE BIEN-FONDE DE LA RESIDENCE ALTERNEE ........................................................................................... 10
4.1 Bibliographie ............................................................................................................................................... 10
4.2 Antériorité de la résidence alternée et expérience acquise ......................................................................... 11
4.3 La psychologie de l'enfant et la résidence alternée..................................................................................... 11
4.3.1 Pourquoi adopter la résidence alternée ?............................................................................................ 11
4.3.2 Un enfant est-il perturbé par la résidence alternée ? .......................................................................... 12
4.3.3 Un enfant perd-il ses repères s’il a deux « chez lui » ?....................................................................... 13
4.3.4 Un enfant perd-il ses repères en résidence monoparentale ? ............................................................ 13
4.3.5 L’éducation d’un enfant peut-elle être menée conjointement par ses deux parents séparés ? .......... 14
4.3.6 L'enfant a-t-il vraiment besoin de son père ? ...................................................................................... 15
4.3.7 Peut-on avoir une résidence alternée si les parents se disputent ?.................................................... 16
4.3.8 Comment protéger l’enfant du conflit entre ses parents ?................................................................... 17
4.3.9 Les parents s'entendent-ils mieux en résidence alternée ou monoparentale ? .................................. 18
4.3.10 Quel rythme d’alternance adopter ? .................................................................................................. 19
4.3.11 Quel est le coût comparé de la résidence alternée et de la résidence monoparentale ?.................. 20
4.3.12 La pension alimentaire ...................................................................................................................... 20
4.4 Le devenir des enfants des familles dissociées (Thèse) ............................................................................. 21
4.4.1 La réduction forte et systématique des chances scolaires en cas de dissociation parentale ............. 21
4.4.2 Une insertion professionnelle plus mouvementée en environnement dissocié................................... 23
4.4.3 La stabilité du premier couple des jeunes adultes .............................................................................. 23
4.4.4 L’influence du terrain familial sur la santé psychologique du jeune adulte.......................................... 24
4.5 L’intérêt de la résidence alternée pour les parents...................................................................................... 24
5. LE POINT DE VUE DES EXPERTS RECONNUS.............................................................................................. 26
5.1 Gérard POUSSIN, professeur de psychologie à l’université de l’enfant à Grenoble ................................... 26
5.2 Eric VERDIER : Deux parents, c'est mieux qu'un........................................................................................ 27
5.3 ROBERT BAUSERMAN – Département de la Santé (USA) ....................................................................... 28
5.4 Enquête, analyse et Plaidoyer de G. NEYRAND en faveur de la résidence alternée ................................. 29
6. FOCUS SUR LA RESIDENCE ALTERNEE DES TOUT PETITS....................................................................... 33
6.1 L’attachement du bébé à ses deux parents : réalité ou illusion ? ................................................................ 33
6.2 La résidence alternée est-elle adaptée à un nourrisson ?........................................................................... 36
6.3 La résidence monoparentale est-elle bénéfique à un nourrisson ? ............................................................. 38
6.4 A quel âge peut-on mettre en place une résidence alternée ? .................................................................... 38
6.5 Quel bénéfice pour les petits enfants en résidence alternée ?.................................................................... 40
6.6 Est-ce la même chose pour un garçon et pour une fille ? ........................................................................... 42
6.7 Un homme sait-il s'occuper d'un bébé ?...................................................................................................... 43
6.8 Comment adapter la résidence alternée au rythme d'un nourrisson ? ........................................................ 44
6.9 Les résidences alternées non nommées ..................................................................................................... 44
7. L’EXERCICE DE L’AUTORITE PARENTALE DANS LES AUTRES PAYS........................................................ 45
7.1 Analyse de Frédérique GRANET en Europe ............................................................................................... 45
7.2 La loi en Californie ...................................................................................................................................... 45
4
7.3 La loi en Suède........................................................................................................................................... 48
7.4 Canada : Recommandations du Parlement sur la Garde et le Droit de visite des enfants.......................... 50
8. CONCLUSION ................................................................................................................................................... 55
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Notes de lecture :
6
1. INTRODUCTION
Dans le cadre d un divorce ou d une séparation entre deux parents, se pose la question :
Avec quel parent résidera désormais l enfant ?
Depuis mars 2002, un dispositif est prévu par la loi dans le code civil qui stipule : "La résidence de l'enfant
peut être fixée en alternance au domicile des parents ou au domicile de l'un d'eux".
Ségolène Royal avait salué le vote de cette nouvelle loi en déclarant devant le Parlement :
« Ce dispositif rendra le partage moins inégal après la séparation. C'est important : c'est dans les
mille faits et gestes de la vie quotidienne que les parents transmettent leurs valeurs. »
Aujourd’hui, après trois ans d exercice, cette loi ne fait toujours pas l unanimité quant au bien-fondé de la
résidence alternée pour les enfants dont les parents sont séparés.
Ce rapport apporte des éléments de réflexions qui devraient aider à mieux comprendre l intérêt pour les
enfants et les parents de ce mode de vie moderne.
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2. OBJECTIF DE L’ETUDE
Une des conséquences de la loi du 4 mars 2002 qui officialise la résidence alternée en l’inscrivant
explicitement dans le code civil, a été de relancer le débat sur le bien-fondé pour un enfant d’être éduqué
par ses deux parents.
Pour certains, dans les cas de séparations des parents, l’enfant doit être élevé par sa mère ; le père
pouvant participer à son éducation la moitié des vacances scolaires et un week-end sur deux.
Pour d’autres, l’enfant ne peut se construire, que si ses deux parents participent activement et à parts
égales à son éducation.
L’objectif de cette étude, au-delà de tout prosélytisme, est de démontrer par des faits scientifiques et des
études psychologiques qu’un enfant a intrinsèquement besoin de ses deux parents tout au long de son
éducation, et que le priver du lien affectif de l’un des deux ne peut que lui nuire à court, moyen et long
terme.
Afin de faire la clarté sur le bien-fondé de la résidence alternée, cette étude traitera les points suivants :
- Le recul que nous avons sur les effets de la résidence alternée sur les enfants
- Les bénéfices que l’enfant peut en tirer
- Les effets de la résidence alternée à long terme sur le devenir des enfants
… en paragraphe 4
- Le point de vue des experts reconnus
… en paragraphe 5
- L’application d’une résidence alternée pour les enfants en bas age
… en paragraphe 6
- La résidence alternée dans les autres pays
… en paragraphe 7
8
3. DONNEES CHIFFREES
3.1 Avant la loi du 4 mars 2002
Selon une étude détaillée de l’INSEE et de l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques), les enfants
séparés d’un ou de leurs deux parents étaient 2 012 000 en 1994, soit 17.2% des enfants en 1994.
Leur résidence était répartie de la manière suivante :
œ 8.4 % vivaient chez le père
œ 84.8 % vivaient chez la mère
FREQUENCE DES RENCONTRES ENFANTS-PERE
POUR LES ENFANTS QUI VIVENT CHEZ LA MERE
Année 1985 1994
Echantillon 1237 ENFANTS 1381 ENFANTS
JAMAIS 34% 34%
Moins d’une fois par mois 26% 19%
Une fois par mois ou à toutes les
vacances scolaires 8% 5%
Plus d’une fois par mois 32% 42%
TOTAL 100% 100%
Table 3-1 Etude INSEE et INED de 1994 publiée en 1998
3.2 Après la loi du 4 mars 2002 - Etudes et Statistiques Justice n° 23
Aujourd’hui, une personne hostile à la parité père-mère ne peut plus prétendre que la résidence alternée est
illégale. Il en est de même pour les Juges. Cependant, si les parents sont en conflit sur ce sujet, le Juge
peut toujours la refuser en invoquant l’intérêt supérieur de l’enfant sans autre justification.
La loi a prévu que « le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la
durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l'enfant en alternance au
domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. » [Article 373-2-9 ].
Selon les chiffres publiés officiellement par le ministère de la Justice [Études et Statistiques Justice n° 23],
la résidence alternée en France, c’est :
œ 10.3 % des procédures
œ 8.8% des décisions qui accordent une résidence alternée
œ 75% des procédures conflictuelles accordent la résidence à la mère
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Nous voyons donc, qu’en cas de conflit entre les parents, la demande de résidence alternée a très peu de
chance d’être ordonnée par le Juge.
Selon une étude de la Chancellerie, 95 % des décisions prévoyant une résidence alternée sont demandées
par les deux parents. "Ce sont des couples plutôt jeunes. Les deux travaillent et ont élevé leurs enfants en
partageant les tâches » explique Brigitte SCHWOERER, vice-présidente du tribunal de Nanterre, juge aux
affaires familiales.
Enfin, selon Anaïs GABRIEL et Claire STRUGALA dans une étude de jurisprudence sur la garde alternée
portant sur la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) de septembre 2003 à janvier 2005 :
« L’âge ne constitue pas un motif de rejet [de la résidence alternée]. Si une fragilité est perceptible
chez l'enfant, le plus souvent à la suite d'un fort conflit parental, si l'éloignement des domiciles
entraîne des déplacements trop fatigants, les juges préféreront la refuser. »
Cette étude confirme donc, pour la cour d’appel d’Aix-en-Provence, que le conflit entre les parents n’incite
pas le Juge à ordonner une résidence alternée.
La source d’information Etudes et Statistiques Justice n° 23 se trouve à l’adresse Internet :
http://www.justice.gouv.fr/publicat/etudesst.htm#23
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4. LE BIEN-FONDE DE LA RESIDENCE ALTERNEE
4.1 Bibliographie
Parmi les nombreux experts qui se sont consacrés aux effets de la résidence alternée tant sur l’enfant, que
sur la famille ou la société, on peut citer :
En France :
NEYRAND 1993 et 2001 : L’enfant face à la séparation des parents. une solution, la résidence alternée
DE SINGLY 2000 : Avoir une chambre chez chacun de ses parents séparés
MARTIN-LEBRUN 1999 : Conséquences de la séparation parentale chez l’enfant
POUSSIN 1997 : Les enfants du divorce. Psychologie de la séparation parentale
FABRE 1995 : Un nouveau mode de garde : la garde alternée
PRIETO 1993 : La résidence alternée comme modalité d'exercice de l'autorité
parentale lors du divorce. Approche médico-légale
Au Canada :
COTE 2000 : La garde partagée, l’équité en question
WEXLER 1997 : Les enfants qui habitent deux maisons : garde partagée et double résidence
GUILMAINE 1991 : La garde partagée, un heureux compromis
GAMACHE 1991 : Vivre dans deux maisons. L’expérience de la garde partagée d’enfants de 9-10
ans en milieu urbain
Aux Etats-Unis :
WALLERSTEIN 1989 : Deuxièmes chances : hommes, femmes et enfants dix ans après le divorce
KLINE 1988 : L’adaptation des enfants dans les familles en garde conjointe et en garde
unique
JOHNSTONE 1988 : Garde conjointe : une analyse de sa viabilité en considération de facteurs
psychosociaux et économiques depuis la perspective des mères, pères et
enfants
JOHNSTON 1988 : Conflits perdurant après divorce dans les familles se disputant la garde : la
garde conjointe et l’accès fréquent aident-ils ?
LUEPNITZ 1986 : Une comparaison des gardes maternelle, paternelle et alternée : comprendre la
variété de la vie des familles post-divorce.
STEINMAN 1985 : Une étude de parents qui visaient la garde conjointe après le divorce : qui
atteint un accord et soutient la garde conjointe et qui retourne en justice
STEINMAN 1981 : L’expérience d’enfants en garde conjointe
ERNST 1981 : Garde partagée et co-parentalité : pas par la loi mais par amour
GREIF 1979 : Père, enfant et garde conjointe.
ABARBANEL 1977 : Familles en garde conjointe : une approche d’étude de cas
11
4.2 Antériorité de la résidence alternée et expérience acquise
Depuis 30 ans, de multiples études basées sur des observations scientifiques ont été conduites par des
experts reconnus sur des cas réels de résidence alternée. L’ensemble de ces travaux apporte aujourd’hui
un éclairage qui se veut impartial sur ce mode de résidence.
Il nous appartient donc de bien comprendre les résultats de ces travaux afin de prendre les meilleures
décisions possibles dans l’intérêt des enfants.
Alors qu’il y a trente ans, les chercheurs méconnaissaient les interactions entre l’enfant et le père,
on a, depuis, découvert, étudié et compris la place des deux parents dans la construction et le
développement de l'enfant.
4.3 La psychologie de l'enfant et la résidence alternée
4.3.1 Pourquoi adopter la résidence alternée ?
Avant la séparation des parents, un enfant vit avec son père et sa mère et entretient avec chacun des deux
des liens affectifs. Apres la séparation, selon les statistiques vues au paragraphe 3, il a 80% de
« chances » de vivre chez sa mère et de voir son père épisodiquement.
Dans les rares cas où l’enfant est élevé suivant le modèle de la résidence alternée, il pourra conserver des
liens étroits et intimes avec ses deux parents et il bénéficiera des apports éducatifs de son père et de sa
mère.
Selon NEYRAND 2001, COTE 2000, les parents qui pratiquent la résidence alternée ou qui la demandent
sont motivés par l’équilibre psychologique, affectif et éducatif de leur enfant.
Laissons s’exprimer quelques spécialistes qui ont observé les enfants en résidence alternée :
NEYRAND :
« Ce sont d’abord les enfants qui motivent la mise en place d’une résidence alternée. Comme leurs
parents, la plupart des enfants explicitent clairement leur intérêt à ce sujet, aussi bien par l’adhésion
qu’ils y manifestent que par les retombées dont ils disent bénéficier. » (NEYRAND 2001 p99)
« Parmi les multiples intérêts psychologiques et relationnels que les enfants peuvent avoir à
l’alternance, l’un d’entre eux est présenté comme primordial : pouvoir maintenir le contact
régulier avec ses deux parents.» (NEYRAND 2001 p102)
COTE :
« [Les enfants] se sentent entourés et trouvent des avantages à avoir deux maisons … et deux
parents qui participent activement à leur bien-être.» (COTE 2000 p105)
LUEPNITZ :
« Il apparaît que les enfants de cette étude qui vivaient la garde conjointe avaient conservé deux
parents psychologiques dans leur vie. Alors que la moitié des enfants en garde unique ne voyait
jamais l’autre parent, tous les enfants en garde alternée avaient des contacts réguliers avec les
deux parents.» (LUEPNITZ 1986 p4)
12
WALLERSTEIN :
« La garde conjointe est une tentative d’adoucir ces pertes ; l’enfant tire bénéfice de savoir qu’il ou
elle a deux parents engagés malgré la rupture du mariage. »
« L’argument psychologique central pour la garde conjointe repose donc sur l’importance de
maintenir deux parents dans la famille de l’après divorce. »
« Mes travaux montrent de manière cohérente que de bonnes relations père-enfant peuvent être
d’une importance critique pour le bien-être psychologique et l’estime de soi des enfants du
divorce.» (WALLERSTEIN 1989 p 274)
4.3.2 Un enfant est-il perturbé par la résidence alternée ?
Nombre d’opposants au principe de la résidence alternée invoquent le fait que les enfants qui rentrent dans
ce mode à la suite de la rupture parentale sont psychologiquement perturbés.
La principale découverte des chercheurs ayant travaillé sur les effets de la résidence alternée sur les
enfants est que, contrairement à ce que croyait initialement certains psychiatres ou psychologues, la
plupart des enfants s’adaptent bien et ne présentent aucun symptôme de perturbation psychologique.
Bien sûr la séparation de leurs parents les affecte, mais les enfants en résidence alternée ne présentent
pas plus de traumatismes que les enfants en résidence monoparentale. A ce jour, aucune étude n’a jamais
montré d’effet indésirable dû à la résidence alternée sur le développement des enfants.
De plus, la résidence alternée sécurise l’enfant dans une période (la séparation de ses parents) ou il en a le
plus besoin ; ce qui ne peut que contribuer à plus de stabilité émotionnelle durant la phase d’acceptation de
la séparation de ses parents.
LUEPNITZ s’est attaché à comparer les différents modes de garde et conclut que :
« le mode de garde lui-même n’a qu’une influence mineure sur l’adaptation psychologique des
enfants. Ce qui perturbe les enfants, c’est surtout le comportement des parents : l’anxiété ou la
dépression d’un parent, l’agressivité d’un parent contre l’autre ou l’utilisation de l’enfant dans le
conflit entre les deux. Et ceci, quel que soit le mode de garde.» (LUEPNITZ 1986)
MARTIN-LEBRUN et POUSSIN rapportent que ce sont les enfants qui vivent en alternance qui sont les
plus sûrs d’eux, en comparaison avec les enfants résidant avec un seul parent. Ils se sont appuyés sur
l’étude de 3000 enfants en classe de sixième, pour dire que :
« [les enfants vivant en résidence alternée] présentaient un score d'estime de soi supérieur à celui
des autres enfants de parents séparés et même à l’ensemble de la population.» (POUSSIN 1993)
Et NEYRAND d’ajouter :
« Les effets symboliques et psychologiques d’une telle pratique apparaissent considérables. »
(NEYRAND 2001 p100)
13
4.3.3 Un enfant perd-il ses repères s’il a deux « chez lui » ?
Le sociologue Gérard NEYRAND s’est interrogé : « Cette possibilité de bénéficier de deux domiciles,
risque-t-elle pour autant de perturber les jeunes enfants et leur construction identitaire » ?
Pour certains spécialistes, un enfant ne peut se construire psychologiquement que s’il ne réside que dans
une seule. Or, il a été démontré que les enfants s’adaptaient très bien à la vie dans deux maisons
distinctes.
DE SINGLY et DECUP-PANNIER ont démontré comment les enfants s’adaptaient à deux univers différents
dans leurs deux maisons : alors que des enfants préfèrent domicilier leurs affaires dans une maison bien
définie, d’autres n’hésitent pas à faire voyager leurs objets personnels entre les deux foyers au gré des
besoins. Dans les deux cas, l’enfant conserve son identité .
« A chaque fois, donc, la dualité tend à être minimisée, grâce à ces tactiques qui renforcent le
sentiment de n’avoir qu’un seul chez soi. » (DE SINGLY 2000 p 227)
Susan STEINMAN a étudié pendant plusieurs années le comportement de 32 enfants qui vivaient en
résidence alternée.
« Ces enfants pouvaient remarquablement différencier leurs deux domiciles. Ils étaient capables de
garder séparés dans leur esprit chaque domicile, et leurs relations avec chaque parent, et ne
ressentaient pas de confusion d’un parent avec l’autre .»
« La plupart des enfants étudiés étaient capables de maintenir des emplois du temps complexes.
Leur clarté à propos de leur emploi du temps et du lieu de leurs résidences étaient
impressionnante. » (STEINMAN 1981 p 408-409 et p 410)
En effet, NEYRAND affirme que :
« Les craintes étaient donc largement infondées, même si elles s’établissaient sur un constat
renouvelé, celui de la nécessaire unité psychique de l’enfant, dont on constate là encore qu’elle
dépend moins de la réalité matérielle que de la réalité psychique. » ( NEYRAND 2001 p105-106)
4.3.4 Un enfant perd-il ses repères en résidence monoparentale ?
On confond souvent stabilité géographique et stabilité affective.
Personne ne doutera que les enfants ont besoin de stabilité affective, relationnelle, et psychologique.
De nombreux opposants à la résidence alternée parlent de la nécessaire stabilité géographique comme
repère indispensable à l’enfant, mais on omet souvent de mentionner le repère, non moins indispensable
que constitue la stabilité affective de son père, sa mère, frères, soeurs, copains,…
De plus, il existe des enfants vivant en familles unies avec des parents militaires par exemple qui n’ont pas
de stabilité géographique et pour lesquels, on n’a pas démontré de perturbation due à cette instabilité.
Si après la séparation de ses parents un enfant voit son père ou sa mère écarté de son éducation, il ne
pourra pas comprendre pourquoi ce parent est, du jour au lendemain, désigné comme « incapable » de
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poursuivre son éducation. Cette séparation constitue un traumatisme supplémentaire que l’enfant devra
gérer en plus de l’éclatement de la cellule familiale.
Si le parent « secondarisé », « accessoirisé » , donc « marginalisé » devient soudainement un simple
visiteur, alors l’enfant vivra cet éloignement comme une perte de repère voire un abandon, ce qui est
autrement plus traumatisant.
Dans 90% des cas, c’est le père qui est éloigné.
Pourtant, LAMB et LE CAMUS ont démontré que l’enfant se développait mieux en présence du père :
« Les enfants des pères hautement engagés sont caractérisés par une compétence cognitive
accrue, une meilleure empathie, une moins grande rigidité dans le rôle sexué et un contrôle plus
internalisé. » (LAMB 1986 p 17; LE CAMUS 1998, p 193).
POUSSIN et SAYN ont également fait le point des connaissances relatives aux conséquences entraînées
par les situations de monoparentalité féminine : leur étude apporte la preuve statistique et clinique de la
survenue fréquente de difficultés d’ordre psychopathologique chez les enfants d’âge scolaire et les
adolescents. (POUSSIN et SAYN 1990 ; LE CAMUS 1998, p189)
Et LE CAMUS de préciser que l’absence du père dans l’éducation de son enfant est préjudiciable :
« Le jeune enfant doit être tiré hors de la symbiose originelle, il doit être "séparé" de sa mère. Le
maintien prolongé d'un état de fusion s'avère préjudiciable et peut conduire l'enfant à la psychose.
C'est un fait acquis.» (LE CAMUS 1998, p169)
4.3.5 L’éducation d’un enfant peut-elle être menée conjointement par ses deux parents séparés ?
Avant leur séparation, les deux parents n’avaient pas forcément les mêmes valeurs éducatives. Donc, on
comprend qu’une fois séparés, il y aura une difficulté supplémentaire pour co-éduquer les enfants.
Alors que la résidence monoparentale sacralise le rôle éducatif d’un seul parent en imposant son modèle
éducatif à l’autre parent, la co-parentalité permet à l‘enfant de bénéficier de l’éducation de ses deux parents.
STEINMAM, NEYRAND, et COTE ont observé qu’en résidence alternée les enfants et les parents doivent
faire plus d'efforts pour s’entendre et coordonner leurs actions éducatives. Néanmoins, malgré les
difficultés, les enfants préfèrent être éduqués par les deux parents plutôt que par un seul.
Selon NEYRAND :
« L’intérêt de l'alternance réside aussi dans ses effets éducatifs, effets que la moitié des parents
énoncent à la fois comme conséquence de leur plus grande disponibilité (ils n'ont les enfants que la
moitié du temps) et comme effet de complémentarité entre les deux parents, d'équilibre éducatif .»
(NEYRAND 2001, p 107)
La diversité qui est ainsi offerte aux enfants co-éduqués présente à leurs yeux des avantages :
« C'est deux styles différents. Et puis ça permet de découvrir autre chose. On n'est jamais dans le
même quartier, on change un peu de vie.» (NEYRAND 2001, p104)
15
4.3.6 L’enfant a-t-il vraiment besoin de son père ?
Faute d’information, nous avons longtemps pensé que les besoins physiologiques, psychologiques et
affectifs de l'enfant ne pouvaient être satisfaits que par sa mère. De même, certains disaient que le père ne
devenait « utile » dans la vie de son enfant que lorsque ce dernier approchait de l’adolescence.
Nous savons aujourd’hui que ces affirmations sont erronées et de nombreux travaux de spécialistes
reconnus ont apporté la démonstration du contraire.
LAMB 1996 :
« II y a des preuves substantielles que les nourrissons forment des attachements avec aussi bien
les mères et les pères à peu près au même point pendant la première année de vie.» (LAMB 1996
p119-120)
LE CAMUS 1998 :
« On retiendra de cet ensemble de travaux des années 75 que, dans les situations de la vie
quotidienne, les pères "tout-venant" apparaissent comme des figures d'attachement aussi efficaces
que les mères, bref, comme des partenaires du bébé émotionnellement compétents.» (LE CAMUS
1998 p98)
HUBIN-GAYLE :
« Le lien qui les unit [les pères] à leurs enfants, s’il est différent de celui établi avec la mère, n’en est
pas moins fort pour autant.» (HUBIN-GAYLE)
BRAZELTON, CRAMER 1990 :
« Ces études démontrent que le père peut être un parent compétent d'emblée.» (BRAZELTON,
CRAMER 1990 )
Jean LE CAMUS, docteur d'Etat en psychologie, professeur de psychologie, également responsable des
recherches sur la psychologie du jeune enfant à l'Université de Toulouse déclare :
« A l'aube du XXIe siècle, il ne paraît plus possible de soutenir que la fonction du père n'est
légitimée que par le bon vouloir de la mère, que cette fonction peut être indifféremment remplie par
un homme ou une femme, qu'elle n'a de prise qu'à partir de l'âge de 18 mois ou à partir du moment
où l'enfant est entré dans le stade oedipien, qu'elle se réduit à l'introduction et la mise en application
de la Loi - autant d'affirmations convenues qu'on répète à longueur d'ouvrage sans même se
donner la peine de les soumettre à l'épreuve de l'expérience clinique. » (LE CAMUS 2000 p166)
16
Elisabeth BADINTER, philosophe, écrivain, rappelle :
« Le nouveau père/mère apporte un démenti éclatant à la thèse de l'attachement exclusif du
nourrisson pour sa mère (John BOWLBY), et à sa conséquence : un bébé ne peut s'attacher qu'à
une seule personne à la fois. Les travaux précurseurs de M. LAMB ou M. YOGMAN montrent qu'il
n'en est rien. »
« C'est le parent qui investit le plus son bébé qui devient le principal objet d'attachement - sans
distinction de sexe - et ce rapport préférentiel n'en exclut pas d'autres. de plus les préférences
changent avec l'âge. »
« Si une majorité d'enfants semble plus proche de la mère la première année, tous changeront
plusieurs fois de parent favori au cours des deux années suivantes. Cela dépend des étapes
psychologiques, du sexe de l'enfant et des circonstances extérieures (EHRENSAFT 1987). »
« Mais, quelle que soit l'évolution de ses sentiments, l'enfant intériorise ses deux parents
disponibles et n'est plus enfermé dans une relation à deux qui risque de l'étouffer.» (BADINTER
1992 p264)
4.3.7 Peut-on avoir une résidence alternée si les parents se disputent ?
Il est raisonnable de supposer que les parents et les avocats qui les conseillent savent qu’un magistrat aura
beaucoup de réticences à accorder une résidences alternée à des parents qui ne s’entendent pas.
Observons que dans la plupart des procédures où l’un des deux parents (en général le père) demande la
mise en place d’une résidence alternée, et l’autre (en général la mère) la refuse, on rencontre les
comportements suivants :
œ L’un tente de pacifier la relation à l’aide par exemple d’une médiation familiale
œ L’autre ne fait rien pour séparer le conflit conjugal du devoir parental
Ayant dit cela, nous comprenons pourquoi seulement 5% des pères qui demandent une résidence alternée
contre l’avis de la mère l’obtiennent (Cf. paragraphe 3.2).
Il suffit, en effet, que la mère soit opposée à la résidence alternée et qu’elle stigmatise le conflit avec le père
de son enfant, pour que le Juge ne suive pas le père dans sa demande (dans 95% des cas).
Le pouvoir d’accorder une résidence alternée est donc entre les mains de la mère le plus souvent ; le Juge
ne faisant que suivre son avis.
Précisons que si un Juge refuse une résidence alternée parce que les parents sont en conflit dans le but de
pacifier leur relation, les rancunes antre les parents ne seront pas apaisées pour autant.
Le conflit perdurera même en résidence monoparentale et l’enfant ne sera pas protégé pour autant des
médisances d’un parent sur l’autre.
L’objectif, en cas de conflit des parents, devrait être de « fortement motiver » les parents à régler leurs
rancunes de couple, plutôt que de restreindre les relations entre un enfant et son père (en général).
17
4.3.8 Comment protéger l’enfant du conflit entre ses parents ?
Un fait est certain, la rupture entre les parents s’inscrit souvent dans un cadre très conflictuel au milieu
duquel l’enfant est malheureusement pris à partie. Il est alors pris dans un conflit de loyauté qui ne peut que
le faire souffrir.
Se pose alors la question de savoir lequel des deux modes de résidence, alternée ou monoparentale,
favorise la pacification entre les parents et diminue ainsi les souffrances de l ‘enfant.
Selon LUEPNITZ :
« Le climat émotionnel de la famille était indépendant du mode de garde.» (LUEPNITZ 1986 p 4).
« [Quel que soit le mode de garde], là ou les parents restent en guerre après le divorce, les
enfants avaient des scores significativement moindres au test du concept de soi de Piers HARRIS,
et des évaluations moindres par leurs parents de leur adaptation.» (LUEPNITZ 1986 p1).
Autrement dit, le conflit entre les parents n’est pas amplifié par un mode de résidence plus que par l’autre.
Et si l’on veut pacifier la relation entre les parents, dans l’intérêt de l’enfant, il faut trouver d’autres solutions.
Selon NEYRAND 2001 et COTE 2000, même en résidence alternée, de nombreux parents restent en colère
contre l’autre et donc ne communiquent pas.
La solution réside peut être dans la médiation familiale qui a pour vocation de renouer le dialogue entre les
parents en leur permettant, à l’aide d’un tiers, d’étaler leurs griefs afin de mieux les résoudre.
La loi du 4 mars 2002 qui « propose » cette possibilité devrait peut être la rendre obligatoire afin de forcer
autant que faire se peut les parents à s’entendre au moins sur leurs rôles de parents.
Par ailleurs, lors d’une rupture, la résidence alternée présente l’avantage de mettre les deux parents sur un
pied d’égalité lorsqu’ils s’apprêtent à divorcer. En effet, si l’obtention de la résidence de l’enfant n’est plus
un enjeu, les parents auront une raison de moins de se disputer au tribunal, ce qui contribuera à préserver
l’enfant.
En effet, la pédiatre Edwige ANTIER confirme que :
« Ce mode de résidence, le partage égal du temps passé chez la mère et chez le père, oblige ceuxci
à trouver un nouveau mode de rapports moins conflictuels. »(ANTIER 2001, p188)
La psychologue L. FABRE, a noté qu’en résidence alternée :
« L’agressivité est massivement inhibée ; cela pour que l’enfant conserve la possibilité de profiter de
l’apport éducatif de ses deux parents.» (FABRE 1995)
18
4.3.9 Les parents s’entendent-ils mieux en résidence alternée ou monoparentale ?
Il semble que les parents qui ont leurs enfants en résidence alternée ne s’entendent pas mieux pour autant.
G. NEYRAND :
« Près des deux tiers des couples qui la pratiquent se sont séparés en conflit.»
« Un certain nombre de couples pratiquent l’alternance, alors qu’ils ont des rapports inexistants,
voire conflictuels. […] Ainsi, une communication réduite et limitée à l’éducation des enfants peut
suffire pour que fonctionne une résidence alternée.»
Au Canada, COTE ajoute que :
« Le rapport co-parental est désagréable … les deux parents notent un manque de
communication … la communication entre les deux parents semble difficile. »
Aux Etats-Unis, LUEPNITZ précise que :
« Le climat émotionnel de la famille était indépendant du mode de garde.»
Il semble donc que, refuser une résidence alternée au motif que les parents n’entretiennent pas d’assez
bonnes relations, dans le but de protéger l’enfant est illusoire.
Quel que soit le mode de résidence, si un parent ou les deux n’ont pas la volonté de s’entendre dans
l’intérêt de l’enfant, ils se disputeront et l’enfant en souffrira.
La solution, pour protéger l’enfant, est donc ailleurs que dans le refus systématique de la résidence
alternée.
La médiation familiale peut être…
19
4.3.10 Quel rythme d’alternance adopter ?
Aucune règle universelle ne semble s’imposer aux différents cas de figure.
Selon les parents, on observe des alternances journalières, hebdomadaires, par quinzaine etc.… jusqu’à
des alternances annuelles.
Selon STEINMAN 1981, 50% des parents adoptent un rythme mi-hebdomadaire, 25% préfèrent alterner
une semaine / une semaine, et les autres s’adaptent à des rythmes divers qui tiennent compte des besoins
spécifiques de l’enfant et des contraintes d’éloignement entre les deux parents.
Denyse COTE (La garde partagée 2000) a établi un ensemble de recommandations qui sont résumées
dans le tableau ci-dessous :
Table 4-1 Périodes d’Alternances recommandées par D. COTE
Enfin NEYRAND 2001 rappelle que, pour sécuriser les jeunes enfants, il est important de veiller à ce que
les mêmes jours se vivent chez le même parent (NEYRAND 2001, p 107).
Dans le cas de domiciles très éloignés, il n’est pas rare que certains parents optent pour une alternance du
type 1 an / 1an. Ils s’adaptent ainsi au rythme scolaire de l’enfant.
Avantages pour les enfants Inconvénients pour les enfants
0 à 5 ans 6 à 12 ans 0 à 5 ans 6 à 12 ans
Rotations fréquentes
L’enfant peut voir
chaque parent
fréquemment.
Routine stable
Habitude
Adaptations
fréquentes
Valises
Adaptations trop
fréquentes.
Valises.
Déconcentration
7 jours / 7 jours Adapté au rythme de
travail
Adapté au rythme
de travail à l'école.
L’enfant a le temps
de s’ancrer.
Trop long pour
l’enfant valises
15 jours / 15 jours L’enfant a le temps
de s'installer.
L'enfant s'ennuie
de l'autre parent.
L'enfant s'ennuie
de l'autre parent.
20
4.3.11 Quel est le coût comparé de la résidence alternée et de la résidence monoparentale ?
La résidence alternée coûte plus cher aux parents que la résidence monoparentale. En effet, nombre de
frais fixes sont nécessairement doublés : maison plus grande, ameublement, vêtements, jouets,
déplacements… Et chacun des deux parents en supporte les frais.
Selon DOUTHITT (DOUTHITT 1989) et COTE, le surcoût de la résidence alternée est de 20%.
Malgré cela, peu de parents, qui ont des difficultés financières, seraient prêts à renoncer à ce mode de
garde, considérant que le maintien du lien affectif avec l’enfant est primordial. Ils préfèrent faire des
sacrifices ailleurs.
4.3.12 La pension alimentaire
Même en résidence alternée, il se peut que le parent ayant des revenus élevés continue à verser une
contribution pour l’entretien et l’éducation de ses enfants à l’autre parent.
Cela permet d’équilibrer la disparité des revenus entre le père et la mère et ainsi de contribuer à établir un
niveau de vie similaire pour l’enfant dans les deux résidences.
Mais si les parents s’entendent bien, ils peuvent se mettre d ‘accord pour que le plus fortuné prenne en
charge les activités sportives, la mutuelle, les vêtements,… C’est une autre façon (moins contentieuse) de
compenser la différences des revenus entre les parents.
Notons que la pension alimentaire est souvent source de conflit entre les parents. Elle est l’objet d’une
bataille de chiffres pour laquelle un parent réclame une somme exorbitante tandis que l’autre propose une
somme très basse.
Le Juge tranche sur un montant suivant des critères d’apprésentation qui sont très disparates d’un tribunal a
l’autre.
Dans le but de pacifier la relation entre les parents, il est urgent de trouver un mode de fixation des
pensions alimentaires qui soit plus juste, plus mathématique, et qui ne donne lieu à aucun débat entre les
parents ou les avocats.
Les tribunaux auront alors plus de temps pour se consacrer aux problèmes qui affectent les enfants.
21
4.4 Le devenir des enfants des familles dissociées (Thèse)
Un précieux outil d’analyse et de compréhension des conséquences de la séparation des parents sur le
devenir des enfants a été la thèse de Paul ARCHAMBAULT (473 pages, septembre 2001 Université de
Paris V – René Descartes Département de Sciences Sociales).
Cette thèse se trouve dans sa version intégrale à l’adresse Internet suivante :
http://these.archambault.free.fr/These_P_Archambault_Vdeposee.PDF
Titre : Le devenir des enfants des familles dissociées
Les trois enquêtes utilisées par ARCHAMBAULT sont :
1. « Passage à l’Age Adulte » de l’INED (1993),
2. La première enquête « Jeunes »complémentaire à l’enquête « Emploi » de l’INSEE (1992)
3. La seconde enquête « Jeunes » complémentaire à l’enquête « Emploi » de l’INSEE (1997).
Sur la base des données recueillies lors des 3 enquêtes ci-dessus, Paul ARCHAMBAULT analyse, à l’aide
de puissants outils mathématiques, l’impact (ou l’influence) de la séparation des parents sur :
œ Les chances scolaires de leurs enfants
œ L’insertion professionnelle de leurs enfants
œ La stabilité du premier couple des enfants devenus jeunes adultes
œ Les risque de dépression et de suicide des enfants
Ces points sont examinés dans les chapitres suivants.
4.4.1 La réduction forte et systématique des chances scolaires en cas de dissociation parentale
Selon ARCHAMBAULT, la réussite scolaire est plus faible dans les familles dissociées :
« La « force de rappel » de l'héritage scolaire reste efficace : en famille dissociée, le taux de
diplômés du second cycle universitaire reste élevé (25%) si la mère est diplômée d'études
supérieures. »
« Mais ce même taux est très inférieur à celui des enfants de familles intactes (45%). »
(ARCHAMBAULT p.140)
22
Une des hypothèses avancées pour expliquer cette différence est :
« Le contrôle éducatif amoindri en famille dissociée.»
« Parce que dans la majeure partie des cas, l’un des deux parents se retrouve seul pour assumer
l’éducation des enfants, la rupture conjugale peut entraîner un moindre suivi scolaire et un contrôle
éducatif des parents plus souple. »
(ARCHAMBAULT p.165)
Il ressort que, le désir d’indépendance est essentiel dans la décision d’arrêter les études.
« Vouloir gagner sa vie » a été le motif déterminant d’arrêt des études pour plus de 66% de cette population
peu diplômée interrogée.
(ARCHAMBAULT p.170)
En famille dissociée et en particulier dans la classe favorisée et la classe intermédiaire, l’arrêt des études
avant le bac est plus fortement corrélé à l’interruption du soutien parental.
ARCHAMBAULT (ARCHAMBAULT p.200-205) conclut que :
œ Les aides des parents séparés sont sans doute plus rapidement et plus systématiquement
interrompues en cas d’arrêt des études que celles des parents restés ensembles
œ L’interruption de l’aide des parents dissuade plus facilement les enfants de couples dissociés de
poursuivre leurs études jusqu’au bac.
œ La séparation des parents creuse donc l’écart social de l’inégalité des aides économiques des
parents à leurs enfants lors du passage à l’âge adulte.
Il évalue également l’impact des trajectoires familiales sur le niveau scolaire atteint par les enfants
(ARCHAMBAULT p.217). Ainsi :
œ « A origine sociale et héritage scolaire donnés, la désunion du couple parental est associée à une
moindre réussite scolaire des enfants »
œ « En milieu populaire, la dissociation familiale réduit singulièrement les chances d’accès des
enfants à un premier diplôme et au bac »
œ « En milieu favorisé, ce sont les études supérieures qui sont compromises.»
Toutes les catégories sociales sont donc concernées et la durée moyenne des études est très souvent
raccourcie en cas de dissociation parentale.
23
4.4.2 Une insertion professionnelle plus mouvementée en environnement dissocié
ARCHAMBAULT note que :
« L’analyse, selon la structure familiale, de la proportion des chômeurs montre un important écart
entre la part du chômage des enfants issus de familles intactes et celle des enfants issus de
familles dissociées » (ARCHAMBAULT p.235).
« L’écart est particulièrement ample pour les enfants de familles monoparentales »… « Tout laisse
penser que ces enfants éprouvent des difficultés durables d’insertion, longtemps après la
séparation des parents qui, rappelons le, survient avant 18 ans.» (ARCHAMBAULT p.235).
On pourrait penser que le diplôme est le seul facteur de discrimination des modes d’insertion. Or
ARCHAMBAULT démontre que :
« A niveau de diplôme égal, [il y a] plus de difficultés conjoncturelles d’emplois pour les enfants de
familles dissociées.» (ARCHAMBAULT p.239).
4.4.3 La stabilité du premier couple des jeunes adultes
Il semble que les enfants issus de familles dissociées partent plus tôt de la maison que ceux issus de
familles unies :
« pour les enfants de parents séparés, l'âge au moment du départ de chez le parent gardien…. est
très significativement avancé de…: près de deux ans pour les filles comme pour les garçons. »
(ARCHAMBAULT p.256).
ARCHAMBAULT démontre que les enfants issus de familles dissociées tendent à reproduire, pour le
premier couple, les comportements conjugaux qu’ils ont observés chez leurs parents. Il nuance en disant
que ce phénomène est de « faible intensité. » (ARCHAMBAULT p.295).
Enfin, il conclut que « L’effet de reproduction des trajectoires familiales est net pour les filles issues de
familles monoparentales et il est dans cette configuration relativement indépendant de la précocité de
l’émancipation.
Dans le cas des filles de structures monoparentales, l’hypothèse d’une reproduction d’une pauvreté sociale
généralisée nous paraît plus vraisemblable. » (ARCHAMBAULT p.296).
24
4.4.4 L’influence du terrain familial sur la santé psychologique du jeune adulte
ARCHAMBAULT déclare que :
« Sur les 2 988 jeunes interrogés, 24,7% ont déclaré « avoir eu une dépression », « fait une
tentative de suicide », ou « pris régulièrement des tranquillisants.»
(ARCHAMBAULT p.310)
Plus inquiétant, il démontre quantitativement que :
« Les personnes qui ont connu une séparation de leurs parents avant 18 ans sont plus suicidaires
et plus lourdement dépressives que les personnes dont les parents sont morts sans être séparés »
(ARCHAMBAULT p.329)
De même, le Comite Français d’Education pour la Santé (CFES), dans un rapport intitulé « Baromètre
santé jeunes 97/98 » révèle en page 302 que les enfants les plus touchés par l’alcool, les drogues, la
violence, les conduites suicidaires et les dépressions sont ceux qui vivent dans des foyers monoparentaux,
et notamment ceux qui vivent dans des familles recomposées d’où le père est écarté au profit du beau-père.
En conclusion, les enfants issus de famille monoparentales sont beaucoup plus sujets à :
œ La dépression
œ Le suicide
œ L’addiction à la drogue, l’alcool
œ La violence
Il serait extrêmement intéressant de connaître la proportion de jeunes adultes ayant été élevés en familles
monoparentales dans les groupes de casseurs qui enflamment des dizaines de voitures dans les cités en
France.
Rappelons ce que PLATON disait à propos de l’insurrection des jeunes :
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte
de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque
finalement les jeunes méprisent les lois et qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de
rien ou de personne, alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. »
4.5 L’intérêt de la résidence alternée pour les parents
En l’absence de résidence alternée, c’est souvent la mère qui a la résidence principale de l’enfant.
Le père conserve alors les droits suivants qui peuvent varier selon les situations :
œ Droit d’exercer un droit de visite et d’hébergement
œ Droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant
œ Droit de téléphoner à son enfant
œ Droit d’être informé sur la situation de l’enfant (scolaire, santé,…)
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En pratique chacun de ces droits dépend du bon vouloir de la mère, qui peut, à de nombreuses occasions ,
adopter un comportement passif s’opposant à l’établissement de bonnes relations entre le père et son
enfant.
Par exemple, elle peut prétendre, lorsque le père appelle son enfant, que ce dernier dort ou elle peut faire
en sorte que l’enfant joue à son jeu favori. De ce fait, le père ne pourra pas parler, ou pas convenablement
à son enfant.
Elle peut également ne transmettre aucune information scolaire au père qui devra insister auprès de l’école
pour obtenir les bulletins scolaires, les dates de sorties, spectacles,…
Elle peut même refuser de présenter l’enfant à son père lorsque ce dernier veut exercer son droit de visite
ou d’hébergement.
Car, bien que ce soit illégal, les peines encourues en cas de viol des articles 370 à 379 du Code Civil ne
sont pas toujours appliquées avec la même sévérité suivant que le fautif est le père ou la mère.
Par exemple, les plaintes déposées par les pères pour non-présentation d’enfants sont souvent classées
sans suite par les Magistrats français, alors qu’un père qui ne paie pas à la mère la contribution à l’entretien
de l’enfant est condamné dans la majorité des cas.
En résumé, dans un cas de résidence monoparentale, la mère possède tous les pouvoirs sur son enfant et
sur la relation enfant-père. Ainsi, de nombreux pères n’ont pas pu voir ou téléphoner à leurs enfants depuis
plusieurs mois, voire beaucoup plus, sans qu’aucun recours ne leur soit possible en pratique.
Sans parler des troubles psychiques irrémédiables que subit l’enfant (voir paragraphe 4.3), il est donc
évident que dans une telle situation le père souffre.
Cette souffrance a un coût social et économique en terme :
œ d’absentéisme au travail
œ de faible efficacité professionnelle
œ … de suicide du père pour qui la souffrance est trop insupportable
Ce coût n’a pas encore fait l’objet d’étude sérieuse à ce jour. Mais, s’il est proportionnel au nombre de
parents séparés, il ne peut que croître avec le temps, étant donnée la tendance actuelle des couples à la
séparation.
Enfin, précisons que l’enfant ne peut sortir indemne d’un tel conflit, surtout si, pour expliquer l’absence du
père, la mère invoque des arguments du type :
œ « il ne veut pas te voir »,
œ « il a trouvé une petite amie, et il n’a pas le temps de venir »,…
Précisons qu’un tel discours aura tendance à inciter l’enfant à détester son père, ce qui aura pour
conséquence directe d’éloigner un peut plus l’enfant de son père. Ce phénomène est connu et largement
étudié sous le non de « Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) »
La résidence alternée permet de remédier à tous ces inconvénients dans l’intérêt de l’enfant et du parent
non gardien. En effet, ce dernier fait alors partie du quotidien de l’enfant et entretien avec lui des relations
normales et non plus épisodiques voire inexistantes. L’opinion qu’a l’enfant de chacun de ses parents
repose sur son observation et son expérimentation directe, et non sur les dires et les censures de l’un
d’eux.
La rupture du lien père-enfant est alors impossible.
26
5. LE POINT DE VUE DES EXPERTS RECONNUS
La résidence alternée présente des avantages certains pour les enfants et les parents comme le déclarent
certains spécialistes reconnus. Rapportons leurs propos ci-dessous.
5.1 Gérard POUSSIN, professeur de psychologie à l’université de l’enfant à Grenoble
Entretien entre Gérard POUSSIN et la journaliste Françoise DEVILLIERS .
La résidence alternée est-elle vraiment une bonne solution pour l’enfant ?
« Quand les parents se séparent, il est mieux de continuer à voir son père que de le croiser tous les quinze
jours après avoir vécu des années avec lui » !
Il ajoute : « Comment garder une relation forte avec un absent » ?
«Dans le système de garde classique [résidence principale chez la mère], le papa perd sa place éducative.
Il doit se contenter d’un rôle secondaire de parent-loisir, qui se limite à gâter les enfants le week-end. De ce
fait, les liens s’effilochent vite.»
Lorsqu’il est interrogé sur la nécessité pour les parents d’avoir une bonne entente pour entreprendre une
résidence alternée, il répond : « ce système peut paradoxalement aider à l’accord, car il crée une situation
de négociation obligatoire.» De plus « le Juge aux affaires familiales peut conseiller au couple le recours à
un médiateur.»
« Le plus difficile étant de respecter les décisions de l’autre parent, d’éviter de le dénigrer, même si on
n’adhère pas à tous ses principes.»
Quelles sont les autres conditions pour réussir une garde alternée ?
« D’abord la proximité géographique. »
« L’enfant doit avoir un territoire bien à lui dans chaque maison. »
« Il faut aussi le laisser, autant que possible, créer des ponts entre les deux [foyers]. »
Certains pédopsychiatres disent que la garde alternée ne convient pas aux bébés.
« La primauté donnée à la maman est plus dictée par une habitude sociale que par une nécessite
psychique chez le bébé. »
« L’attachement du tout petit se développe aussi bien avec la mère qu’avec le père si celui-ci s’en occupe,
joue avec lui, lui parle, le caresse. Car c’est ainsi que se noue une relation.»
« Un bébé a autant besoin d’un papa que d’une maman. »
Gérard POUSSIN précise que la périodicité de l’alternance doit s’adapter aux besoins du tout petit : « Il
vaut mieux que [le bébé] vive principalement chez l’un des deux parents et amener l’alternance à petites
doses, par étapes. Par exemple : papa rend visite chez maman deux ou trois fois par semaine, puis il le
prend deux jours sur huit, puis un peu plus… Cela permet de préserver l’image des deux parents dans sa
tête.»
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Quels sont les écueils rencontrés ? Les recompositions familiales rendent-elle la résidence alternée
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